Una recente pronuncia della Corte di Strasburgo (AFFAIRE X c. ITALIE, Strasburgo, 9 ottobre 2025) sembra ridurre, se non negare, il valore del principio dell'interesse del minore, rafforzando le incertezze del diritto nazionale e allargando le lacune interpretative esistenti. La Corte, infatti, ha affermato l’insussistenza di violazioni del diritto alla vita privata e familiare, in relazione all’articolo 8 della Convenzione europea dei diritti dell’uomo, nel caso di una genitrice che, per effetto delle decisioni dello Stato italiano, aveva perso il legame con il proprio figlio intenzionale.
Corte Europea dei Diritti dell'Uomo Sezione 1 Sentenza 9 ottobre 2025 n. 42247/23
Data udienza 9 ottobre 2025
Famiglia - PMA - Madre intenzionale - Annullamento registrazione - Legittimità - Possibilità di adozione - Violazione dell’art. 8 della convenzione edu - Non sussiste - Causa X c. Italia
COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME
PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE X c. ITALIE
Requête no 42247/23
ARRÊT
Art 8 - Obligations positives - Vie privée et familiale - Perte par le requérant, cinq ans après sa naissance en Italie en 2018 à la suite d’une procréation médicalement assistée à l’étranger, du lien de filiation le liant à sa mère d’intention du fait de l’annulation de la transcription de l’acte de naissance concernant la désignation de celle-ci - Art 8 applicable - Interdiction en droit national de l’inscription de la mère d’intention sur l’acte de naissance d’un enfant né en Italie à la suite d’une PMA effectuée à l’étranger - PMA entre personnes de même sexe sans lien biologique expressément exclue par la loi nationale - Non usage par la mère d’intention de la possibilité d’adopter le requérant ayant prolongé l’instabilité du statut juridique de celui-ci - Marge d’appréciation - Absence de manquement de l’État défendeur à son obligation de garantir au requérant le respect effectif de sa vie privée - Jouissance effective par le requérant de sa vie familiale non interrompue par une intervention de l’État défendeur
Prepared by the Registry. Does not bind the Court.
STRASBOURG
9 octobre 2025
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire X c. Italie,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de:
Ivana Jelic, présidente,
Erik Wennerström,
Raffaele Sabato,
Davor Derencinovic,
Alain Chablais,
Arturs Kucs,
Anna Adamska-Gallant, juges,
et de Ilse Freiwirth, greffière de section,
Vu:
la requête (no 42247/23) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet État, X («le requérant»), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales («la Convention») le 24 novembre 2023,
la décision de porter à la connaissance du gouvernement italien («le Gouvernement») le grief concernant le droit à la vie privée et familiale du requérant et de déclarer irrecevable la requête pour le surplus,
la décision de ne pas dévoiler l’identité du requérant,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 septembre 2025,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date:
INTRODUCTION
1. La requête concerne l’annulation de la transcription de l’acte de naissance d’un mineur, né en Italie en 2018 à la suite d’une procréation médicalement assistée à l’étranger, pour autant qu’il concernait sa mère d’intention. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint d’une violation de sa vie privée et familiale en raison de la perte, cinq ans après sa naissance, du lien de filiation qui le liait à sa mère d’intention.
EN FAIT
2. C.D.O. agit au nom de X, né en 2018 et résidant à B.V., dont elle est la mère biologique. Le requérant a été représenté par Me M. Pa., avocat à (Omissis).
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, L. D’As., avocat de l’État.
4. Les faits de la présente cause peuvent se résumer comme suit.
5. C.D.O. et M.B., respectivement mère biologique et mère d’intention du requérant, élaborèrent ensemble un projet parental. Dans ce cadre, elles décidèrent de recourir à une procréation médicalement assistée (PMA) en vue de l’insémination de C.D.O. dans une clinique située en Espagne.
6. Le 21 avril 2018, après six années de vie commune, elles conclurent un pacte civil de solidarité.
7. Le 30 mai 2018, X naquit en Italie.
8. Le 8 juin 2018, le maire de la commune de M., en sa qualité d’officier de l’état civil, transcrit l’acte de naissance de X. Il y indiqua que l’enfant avait été conçu au moyen d’une PMA réalisée à l’étranger par la mère biologique, C.D.O. L’acte fut inscrit au registre de l’état civil sur la base de la déclaration de naissance faite par cette dernière.
9. Le même jour, M.B. déclara devant l’officier de l’état civil reconnaître légalement X comme son enfant, né par PMA de C.D.O., laquelle l’avait déjà reconnu. L’officier procéda à l’enregistrement du consentement éclairé à l’insémination artificielle, daté du 10 avril 2017, qui avait été déposé auprès d’une clinique de (Omissis).
10. Les deux noms de famille furent attribués à l’enfant.
11. Le 5 octobre 2018, le procureur de la République introduisit une demande d’annulation de la transcription de l’acte de naissance de X en application de l’article 95 du décret présidentiel no 396 de 2000.
12. M.B. se constitua partie intervenante devant le tribunal et s’opposa à la demande du parquet, faisant valoir notamment que l’inscription avait été effectuée dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
13. Par une décision du 27 janvier 2021, le tribunal déclara la transcription de l’acte de naissance illégale. Se fondant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, il conclut que la reconnaissance du statut de parent d’un enfant né par PMA entre deux femmes unies par un partenariat civil ne pouvait résulter d’une simple interprétation des lois en vigueur.
14. M.B. interjeta appel de la décision, et C.D.O. se constitua partie intervenante dans la procédure. Les intéressées faisaient valoir que l’enfant, alors âgé de trois ans, était pleinement intégré dans leur famille et soutenaient que son droit à une identité et à une filiation cohérente n’avait pas été pris en compte. Elles demandaient en outre à la cour d’appel de soulever une question de constitutionnalité.
15. Par un arrêt du 5 mai 2021, la cour d’appel confirma le jugement du tribunal, rappelant que la Cour de cassation avait jugé dans son arrêt no 7668 de 2020 qu’une demande de rectification de l’acte de naissance d’un enfant né en Italie par l’ajout du nom de la mère d’intention à côté de celui de la mère biologique devait être rejetée, même si la première avait consenti à la procréation médicalement assistée réalisée à l’étranger. En effet, le droit italien ne prévoyait pas l’inscription de la mère d’intention dans l’acte de naissance, et l’officier d’état civil ne pouvait y introduire des éléments non expressément autorisés par la loi. La question de constitutionnalité fut rejetée.
16. M.B. se pourvut en cassation.
17. Par un arrêt no 23257 du 2 août 2023, la Cour de cassation débouta M.B. de son pourvoi. Elle confirma sa jurisprudence constante selon laquelle en cas de conception d’un enfant à l’étranger par PMA hétérologue, la demande tendant à faire figurer la mère d’intention comme parent dans l’acte de naissance d’un enfant né en Italie ne pouvait être accueillie, le législateur ayant réservé l’accès à ces techniques aux cas d’infertilité pathologique et les couples de même sexe n’étant pas inclus. En outre, la Cour estima que l’indication d’une double parentalité n’était pas indispensable à la protection de l’enfant dès lors que, conformément à l’arrêt no 79 de 2022 de la Cour constitutionnelle, l’adoption constituait un mécanisme adéquat pour établir des liens juridiques avec la famille du parent d’intention sans exclure ceux avec la famille du parent biologique.
18. Ainsi, la Cour de cassation confirma de nouveau sa jurisprudence (Cour de cassation, arrêts nos 7668 de 2020, 6383 de 2022 et 7413 de 2022), selon laquelle une demande de mention du parent d’intention comme parent sur l’acte de naissance d’un enfant né en Italie ne pouvait être accueillie lorsque l’enfant avait été conçu à l’étranger par un couple homosexuel au moyen de techniques de PMA hétérologues. La justification de cette interdiction reposait sur une volonté sélective du législateur qui, selon les juges, avait souhaité limiter l’accès à ces techniques de procréation aux situations dans lesquelles les parents se trouvaient dans un état d’infertilité pathologique.
19. La Cour de cassation observa par ailleurs qu’une telle interdiction n’était pas contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, étant donné qu’il ne requérait pas nécessairement l’indication de la double filiation dans l’acte de naissance dès lors qu’un instrument adapté tel que l’«adoption dans des cas particuliers» existait, permettant de réaliser pleinement le droit fondamental de l’enfant à la reconnaissance, également juridique, du lien créé en vertu de la relation affective établie et vécue avec le parent d’intention. En effet, l’adoption était propre à assurer au requérant une filiation établie, d’une part, et à définir juridiquement le lien de fait avec la mère d’intention ayant partagé le projet procréatif en participant à la prise en charge de l’enfant depuis sa naissance, d’autre part.
20. À une date non précisée, l’acte de naissance du requérant fut modifié.
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
LA LÉGISLATION PERTINENTE
21. Les dispositions de loi pertinentes concernant la reconnaissance de l’enfant né hors mariage et la procédure «d’adoption dans des cas particuliers» sont exposées dans l’arrêt C. c. Italie (no 47196/21, §§ 13-29, 31 août 2023).
la Jurisprudence de la Cour de Cassation
22. Les arrêts des chambres réunies (Sezioni unite) de la Cour de cassation (no 12193 de 2019 et no 38162 de 2022) pertinents en la matière sont résumés dans l’arrêt C c. Italie (précité, §§ 22-25), y compris la jurisprudence relative à «l’adoption dans des cas particuliers», laquelle permet d’établir un lien juridique entre l’enfant et le partenaire du parent biologique. Ces éléments peuvent être complétés comme suit, pour autant que cela s’avère pertinent dans le cas présent.
Par un jugement du 30 juillet 2014, le tribunal pour enfants de Rome a ordonné «l’adoption dans des cas particuliers» en faveur de la compagne d’une femme qui avait donné naissance à une petite fille à l’étranger à la suite d’une PMA; les recours formés par le ministère public ont été rejetés respectivement par la cour d’appel de Rome, par un arrêt du 23 décembre 2015, et par la Cour de cassation, par un arrêt no 12962 du 26 mai 2016.
23. Dans son arrêt no 8029 du 22 avril 2020, la Cour de cassation a établi que «l’intérêt de l’enfant [n’était] pas en jeu, puisque le refus de l’officier de l’état civil [n’était] pas susceptible d’affecter la stabilité du milieu (...) dans lequel l’intéressé [vivait] sa relation [familiale]», et a jugé que «la reconnaissance d’un enfant conçu grâce à l’utilisation de techniques hétérologues de procréation médicalement assistée par une femme qui est en partenariat civil avec la femme ayant donné naissance à l’enfant mais n’a aucun lien biologique avec celui-ci, est contraire à l’article 4, paragraphe 3, de la loi no 40 de 2004 et à l’exclusion de l’utilisation de telles techniques pour les couples homosexuels, puisqu’il n’est pas permis, en dehors des cas prévus par la loi, de réaliser des formes de parentalité dissociées d’une relation biologique avec les instruments juridiques prévus pour un enfant né pendant le mariage ou reconnu». La Cour de cassation a également rappelé que la reconnaissance de la capacité des couples de personnes de même sexe d’accueillir, d’élever et d’éduquer des enfants, qui a conduit à l’admission de l’adoption de l’enfant par le partenaire de même sexe du parent biologique en vertu de l’article 44 § 1, lettre d) de la loi no 184 de 1983, ainsi qu’à la transcription de l’acte de naissance valablement établi à l’étranger montrant que l’enfant est le fils de deux femmes, ne justifie pas un mécanisme d’établissement du lien de parenté alternatif à celui fondé sur le lien biologique, puisque le lien parental ne doit pas nécessairement s’exprimer dans les mêmes formes juridiques que celles prévues pour l’enfant né pendant le mariage ou reconnu ultérieurement.
24. Dans l’arrêt no 32 de 2021, la Cour de cassation a considéré qu’une intervention du législateur était nécessaire, indiquant en particulier ce qui suit: «(...) les enfants nés d’une procréation médicalement assistée hétérologue réalisée par deux femmes se trouvent dans une situation défavorable par rapport à tous les autres enfants nés, [et ce] uniquement en raison de l’orientation sexuelle des personnes qui ont réalisé le projet procréatif. Ils sont appelés à rester dans une relation avec un seul parent, précisément parce qu’ils ne peuvent être reconnus par l’autre personne qui a réalisé le projet de procréation, et leurs intérêts primordiaux s’en trouvent sérieusement compromis.»
La jurisprudence de la COUR CONSTITUTIONELLE
25. Les arrêts de la Cour constitutionnelle pertinents en la matière sont résumés dans l’arrêt C c. Italie (précité, §§ 26-28). Par les arrêts no 32 de 2021 et no 79 de 2022, la Cour constitutionnelle a élargi les effets de la mesure d’«adoption dans des cas particuliers», reconnaissant un lien de parenté avec la famille de l’adoptant également dans de tels cas. Elle a en effet déclaré inconstitutionnelles les dispositions relatives à l’«adoption dans des cas particuliers» pour autant qu’elles excluaient que fût créé entre l’adopté et les parents de l’adoptant le même lien de parenté que celui qu’établissaient les autres types d’adoption.
26. Par un arrêt no 68 du 22 mai 2025, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction faite à la mère d’intention de reconnaître comme sien l’enfant né en Italie d’une procréation médicalement assistée légalement pratiquée à l’étranger. Elle a jugé que l’article 8 de la loi no 40 de 2004 était inconstitutionnel dans la mesure où il ne prévoyait pas que l’enfant né en Italie d’une femme ayant eu recours à des techniques de procréation médicalement assistée à l’étranger, conformément aux règles en vigueur dans cette loi, eût également le statut d’enfant reconnu.
27. Ainsi, selon la Cour constitutionnelle, l’enfant né en Italie d’une femme qui a eu recours, conformément aux règles en vigueur dans ce pays, à des techniques de procréation médicalement assistée (PMA) doit également avoir le statut d’enfant reconnu de la femme qui, elle aussi, a donné son consentement préalable à l’utilisation de ces techniques et à l’exercice de la responsabilité parentale qui en découle.
28. La juridiction constitutionnelle - après avoir précisé que la question ne concernait pas les conditions posées à l’accès à la procréation médicalement assistée en Italie - a considéré que l’obstacle à ce qu’un enfant né en Italie puisse obtenir dès sa naissance le statut d’enfant reconnu également de la femme qui a donné son consentement à la procédure de fécondation à l’étranger avec la mère biologique ne garantissait pas l’intérêt supérieur de l’enfant, et emportait violation tout à la fois de l’article 2 de la Constitution, en raison de l’atteinte à l’identité personnelle de l’enfant né et à son droit à se voir reconnaître un statut juridique certain et stable dès la naissance, de l’article 3 de la Constitution, en raison du caractère déraisonnable desdites règles légales, qui ne pouvaient être justifiées en l’absence d’un intérêt concurrent de rang constitutionnel, et de l’article 30 de la Constitution, en raison de l’atteinte au droit de l’enfant à se voir reconnaître dès la naissance, et envers les deux parents, les droits liés à la responsabilité parentale et aux obligations qui en découlent envers les enfants.
29. La déclaration d’inconstitutionnalité se fondait sur deux considérations, à savoir, d’une part, la responsabilité qui découle de l’engagement commun qu’un couple assume lorsqu’il décide de recourir à la procréation médicalement assistée pour engendrer un enfant, engagement auquel aucun des parents, et en particulier la mère dite intentionnelle, ne peut ensuite se soustraire et, d’autre part, le caractère central de l’intérêt de l’enfant à ce que l’ensemble des droits qu’il a vis-à-vis de ses parents soient établis non seulement vis-à-vis de sa mère biologique, mais aussi vis-à-vis de sa mère intentionnelle.
30. La Cour constitutionnelle a estimé qu’il ressortait de l’examen de ces fondements que la non-reconnaissance de la qualité d’enfant des deux parents dès la naissance portait atteinte au droit à l’identité personnelle de l’enfant et compromettait l’effectivité de son droit à être entretenu, éduqué, instruit et assisté moralement par ses parents, dans le respect de ses facultés, de ses penchants naturels et de ses aspirations, ainsi que de son droit à entretenir des relations équilibrées et continues avec chacun de ses parents, de recevoir d’eux des soins, une éducation, une instruction et une assistance morale et d’entretenir des relations significatives avec ses ascendants et avec les parents de chaque branche parentale.
31. Quant à l’«adoption dans des cas particuliers», la Cour constitutionnelle a souligné que l’ouverture de la procédure étant à la seule initiative de l’adoptant, aucun droit à agir afin de demander l’adoption n’était reconnu à l’enfant (ou à son représentant légal), et encore moins à sa mère biologique, et, plus généralement, que l’un comme l’autre ne disposaient d’aucun moyen de protection dans le cas où la mère d’intention décidait de ne pas procéder à l’adoption, de sorte que in fine c’était elle qui était autorisée à se soustraire aux devoirs assumés au moment de la décision d’entreprendre le projet parental avec sa compagne.
EN DROIT
SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
32. Le requérant se plaint de la perte, cinq ans après sa naissance, du lien de filiation qui le liait à sa mère d’intention. Il dénonce une violation du droit au respect de sa vie privée et familiale, que l’article 8 de la Convention garantit en ces termes:
«1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.»
Sur la recevabilité
33. Le Gouvernement excipe d’un non-épuisement des voies de recours internes, alléguant que M.B. et C.D.O. n’ont à aucun moment agi au nom du requérant au cours de la procédure interne et que, par conséquent, celui-ci n’était pas partie à ladite procédure.
34. Le requérant argue quant à lui que la mère d’intention et la mère biologique se sont opposées au recours du procureur concernant la rectification de la transcription du certificat de naissance.
35. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes doit être appliquée avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif, étant donné le contexte de protection des droits de l’homme. Elle a de plus admis que ladite règle ne s’accommode pas d’une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu; en contrôlant son respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause (Vu. et autres c. Serbie [GC], no 17153/11, §§ 69-77, 25 mars 2014, et Gh. c. Roumanie [GC] (déc.), no 42219/07, §§ 83 et 84, 9 juillet 2015, et les références citées).
36. À cet égard, la Cour note que dans la présente espèce, les décisions des juridictions internes avaient pour objet l’intérêt supérieur de l’enfant. En particulier, M.B. et C.D.O. ont soutenu à plusieurs reprises, devant les différentes instances nationales, qu’il était dans l’intérêt de l’enfant d’avoir une filiation établie avec la mère d’intention de disposer d’une certitude juridique à cet égard.
37. La Cour rappelle que pour porter une appréciation sur le respect de la règle de l’épuisement des voies de recours internes, elle doit tenir compte non seulement des faits, mais aussi des arguments juridiques invoqués devant les autorités internes (Ra. et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 117, 20 mars 2018, et Fu. Qu., s.r.o. c. République tchèque [GC], no 24827/14, § 171, 1er juin 2023).
38. Dans ces conditions, la Cour considère que même si formellement, la mère d’intention et la mère biologique n’ont pas agi au nom de l’enfant, les recours internes qu’elles ont introduits portaient sur les mêmes griefs que ceux qui sont soulevés devant elle.
39. Par conséquent, la Cour conclut au rejet de l’exception de non-épuisement des voies de recours internes présentée par le Gouvernement.
40. Constatant que le grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
Sur le fond
Thèses des parties
a) Le requérant
41. Selon le requérant, l’annulation de la transcription de son acte de naissance, dans lequel deux femmes étaient reconnues comme mères, constitue une ingérence injustifiée dans sa vie privée et familiale. Il considère en effet qu’une telle décision le prive de l’identité personnelle et sociale qu’il a construite, depuis sa naissance, dans un environnement où il a toujours été reconnu comme le fils de ses deux mères.
42. Le requérant se réfère à la jurisprudence de la Cour, exposant qu’elle reconnaît que le droit de devenir parent, y compris par procréation médicalement assistée, relève de la vie privée et familiale. Dès lors, argue-t-il, un enfant né d’un couple de personnes de même sexe doit bénéficier des mêmes droits que ceux nés de couples hétérosexuels, notamment en matière de filiation.
43. À cet égard, le requérant explique qu’en Italie, au moment de sa naissance, la loi ne permettait pas à la mère intentionnelle d’adopter l’enfant dans les mêmes conditions qu’un parent biologique. Il en déduit que la seule solution pour garantir les droits de l’enfant était donc la transcription d’un acte de naissance avec l’indication de deux mères.
44. Le requérant ajoute que depuis sa naissance, il a toujours été identifié et reconnu comme étant le fils de ses deux mères dans son environnement social. Estimant que la mesure d’annulation de la transcription a été prise sans que son intérêt supérieur ne fût pris en compte, il soutient qu’elle le prive dudit statut pour une durée indéterminée, et rompt ainsi la continuité de son identité sociale et juridique.
45. De l’avis du requérant, la position qu’il défend est conforme à l’Avis consultatif relatif à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention ([GC], demande no P16-2018-001, Cour de cassation française, 10 avril 2019) («Avis consultatif no P16-2018-001»), lequel, expose-t-il, distingue clairement la question de la réglementation de la procréation médicalement assistée entre couples d’individus de même sexe de celle du statut des enfants déjà nés par ces techniques, et retient que lorsqu’un enfant est déjà né et intégré dans un cadre parental, son intérêt doit prévaloir sur toute autre considération.
46. Le requérant allègue que la décision de la Cour de cassation est intervenue cinq ans après sa naissance et que, même si la durée de la procédure n’est pas excessive au sens de l’article 6 de la Convention, elle a eu pour effet de bouleverser sa situation juridique.
47. Il avance que les juridictions italiennes ont fondé leurs décisions sur l’absence de loi autorisant explicitement la double filiation dans ce contexte et sur la possibilité de recourir à l’«adoption dans des cas particuliers», et il leur reproche de ne pas avoir pris en compte les effets de la privation du lien juridique avec la mère intentionnelle, avec laquelle il avait pourtant construit une relation parentale pleine et entière.
48. Il soutient, en outre, que l’annulation de la transcription l’a également privé de toute garantie en matière de soutien matériel, expliquant qu’en l’absence de lien juridique, la mère intentionnelle n’est plus tenue de contribuer à son entretien. Il ajoute, à cet égard, que même si la procédure d’adoption est possible, elle est soumise à des conditions strictes, qui selon lui la rendent incertaine, et argue par ailleurs qu’elle ne peut être engagée que par le parent adoptif, sans initiative possible de l’enfant.
49. Il précise que si les arrêts de la Cour constitutionnelle italienne no 32 de 2021 et no 79 de 2022 ont, certes, élargi les effets de l’«adoption dans des cas particuliers» en reconnaissant un lien de parenté avec la famille de l’adoptant, elles n’ont pas pour autant modifié la procédure elle-même, laquelle, affirme-t-il, reste complexe. Ainsi, l’enfant se retrouverait exposé à un risque réel de rupture affective, sociale et économique, sans protection juridique immédiate. Le requérant conclut par conséquent que la simple possibilité théorique d’une adoption future ne suffit pas à garantir son droit protégé par l’article 8 de la Convention.
b) Le Gouvernement
50. Le Gouvernement soutient que l’annulation de la transcription de l’acte de naissance de l’enfant visait simplement à corriger une erreur administrative contraire à la loi, et il estime dès lors qu’elle ne constitue pas une violation de l’article 8 de la Convention.
51. Il se réfère à l’Avis consultatif no P16-2018-001 (précité), précisant qu’il portait sur la reconnaissance du lien de filiation entre un enfant né par gestation pour autrui (GPA) à l’étranger et la mère d’intention. Il argue que la Cour a reconnu que le droit au respect de la vie privée de l’enfant impose que le droit interne prévoie une possibilité de reconnaissance du lien avec la mère d’intention, mais qu’elle a également considéré qu’il n’est pas nécessaire que ce soit par transcription automatique, et que des moyens alternatifs, comme l’adoption, peuvent suffire.
52. Le Gouvernement estime que ces principes sont applicables en l’espèce, bien qu’il ne s’agisse pas d’une GPA. Il expose, sur ce point, que dans la présente affaire la mère d’intention n’a pas de lien biologique avec l’enfant, et la situation est donc, de son point de vue, comparable. Il en déduit que l’adoption reste un moyen adéquat pour établir le lien de filiation, et ce, ajoute-t-il, dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.
53. Le Gouvernement considère par ailleurs que l’incertitude juridique résultant de l’annulation de la transcription est due au choix qu’auraient fait M.B. et C.D.O. de ne pas utiliser la voie légale de l’«adoption dans des cas particuliers». Arguant que la procédure en question avait pourtant été indiquée comme la solution appropriée, il reproche aux intéressées d’avoir cherché à obtenir une reconnaissance automatique de la mère d’intention et d’avoir, ce faisant, contribué à prolonger l’instabilité du statut juridique de l’enfant.
54. En outre, de l’avis du Gouvernement, l’annulation litigieuse n’a pas porté atteinte à l’identité sociale de l’enfant. En effet, allègue-t-il, celui-ci a conservé le nom de sa mère biologique et, d’après le Gouvernement, un tel état de fait suffisait à garantir sa reconnaissance sociale, son statut civil et sa nationalité. Le Gouvernement expose également que dans le cadre de l’adoption, la législation italienne permet d’ajouter le nom de l’adoptant avant celui de l’enfant, et que la jurisprudence récente a même assoupli cette règle, admettant la possibilité pour le juge de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant pour déterminer l’ordre des noms. Le Gouvernement considère ainsi que les requérantes auraient pu préserver l’identité de l’enfant en recourant d’emblée à l’adoption.
55. Le Gouvernement ajoute que l’officier de l’état civil de la commune M. ayant procédé à la transcription a commis une erreur qui, eu égard à la nouveauté et à la complexité juridique à l’époque de la question en cause, aurait été qualifiée d’erreur excusable et aurait par ailleurs été rapidement corrigée par les autorités judiciaires.
56. De plus, le Gouvernement soutient que l’identité sociale et juridique de l’enfant n’aurait pas été compromise si les mères avaient choisi la voie légale de l’«adoption dans des cas particuliers». Il indique, sur ce point, que ladite procédure aurait permis d’établir un lien de filiation avec la mère intentionnelle sans entraîner de changement automatique de nom.
57. Il estime en outre, concernant la perte alléguée des obligations matérielles et éducatives de la mère intentionnelle du fait de la mesure d’annulation, que l’adoption aurait également permis de rétablir lesdits devoirs de l’intéressée. À cet égard, il explique que l’article 48 de la loi sur l’adoption impose à l’adoptant les mêmes obligations que celles d’un parent biologique, et avance que la solution du recours à l’adoption a, en l’espèce, été jugée adéquate à chaque stade de la procédure interne.
58. Enfin, tout en admettant que la procédure d’adoption ne peut être engagée que par la mère intentionnelle elle-même et que ni l’enfant, même assisté d’un curateur, ni les autorités judiciaires ne peuvent initier cette démarche d’office, le Gouvernement fait observer que dans la présente affaire, la mère d’intention a toujours exprimé sa volonté d’être reconnue comme l’un des parents du requérant.
Appréciation de la Cour
59. La Cour rappelle tout d’abord que lorsqu’elle est saisie par un parent biologique au nom de son enfant, il arrive parfois qu’elle décèle néanmoins des intérêts conflictuels entre le parent et son enfant. Elle ne décèle pas en l’espèce d’intérêts conflictuels qui lui imposeraient de rejeter la requête introduite par la mère biologique au nom du requérant.
60. La Cour note que le requérant voit dans le refus de reconnaissance du lien de filiation avec sa mère d’intention une violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il estime, en outre, que la possibilité dont dispose sa mère d’intention d’engager une procédure d’adoption ne saurait être considérée comme susceptible de remédier à l’atteinte en question.
61. La Cour rappelle d’emblée que le respect de la vie privée exige que chaque enfant puisse établir les détails de son identité d’être humain, ce qui inclut sa filiation (Me. c. France, no 65192/11, §§ 46 et 96, CEDH 2014).
62. La Cour rappelle également qu’il suffit, aux fins de l’application de l’article 8 sous son volet relatif à la vie familiale, que les parents d’intention s’occupent depuis sa naissance, comme le feraient des parents biologiques, d’un enfant né d’une PMA et qu’enfant et parents vivent ensemble d’une manière qui ne se distingue en rien de la «vie familiale» dans son acception habituelle (voir, mutatis mutandis, Me., précité, § 45).
63. La Cour conclut de ce qui précède que l’article 8 de la Convention est applicable au grief du requérant aussi bien sous son volet relatif à la «vie privée» que sous son volet relatif à la «vie familiale».
64. La Cour examinera le grief du requérant sous l’angle de l’obligation positive des États parties de garantir aux personnes relevant de leur juridiction le respect effectif de leur vie privée et familiale, plutôt que sous l’angle de leur obligation de ne pas s’ingérer dans l’exercice de ce droit (C.E. et autres c. France, nos 29775/18 et 29693/19, § 82, 24 mars 2022). Elle relève en effet que le grief, tel que formulé par le requérant, ne tend pas à dénoncer une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale qu’aurait portée une autorité publique à son encontre, mais porte sur des lacunes alléguées du droit italien qui auraient conduit à l’annulation de la transcription de l’acte de naissance établi en Italie en ce qui concerne la mère d’intention et que le requérant estime préjudiciables au respect effectif de sa vie privée et familiale.
65. Elle rappelle que pour déterminer l’ampleur de la marge d’appréciation, il y a lieu de prendre en compte un certain nombre de facteurs. Lorsqu’un aspect particulièrement important de l’existence ou de l’identité d’un individu se trouve en jeu, la marge laissée à l’État est restreinte. En revanche, la marge d’appréciation est plus large lorsqu’il n’existe pas de consensus entre les États membres du Conseil de l’Europe sur l’importance relative de l’intérêt en jeu ou sur les meilleurs moyens de le protéger, en particulier lorsque l’affaire soulève des questions morales ou éthiques délicates. Elle est, d’une façon générale, également ample lorsque l’État doit ménager un équilibre entre des intérêts privés et publics concurrents ou entre différents droits protégés par la Convention qui se trouvent en conflit (voir, notamment, A.P., Ga. et Ni. c. France, nos 79885/12 et 2 autres, § 121, 6 avril 2017, Hä. c. Fi. [GC], no 37359/09, § 67, CEDH 2014, et les références qui y sont indiquées, ainsi que l’Avis consultatif no P16- 2018-001, précité, §§ 43 et 44).
66. La Cour relève que la présente requête, qui porte sur la question de la reconnaissance en droit d’une filiation entre un enfant et une personne avec laquelle il n’a pas de lien biologique, suscite des interrogations d’ordre éthique.
67. Elle souligne d’emblée que l’intérêt supérieur de l’enfant comprend, entre autres, l’identification en droit des personnes qui ont la responsabilité de l’élever, de pourvoir à ses besoins et d’assurer son bien-être, ainsi que la possibilité de vivre et d’évoluer dans un milieu stable (Avis consultatif no P16-2018-001, précité, § 42). Pour cette raison, le respect de la vie privée de l’enfant requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation entre l’enfant et le parent d’intention (ibidem, dispositif, point 1). Dès lors, la marge d’appréciation des États est limitée s’agissant du principe même de l’établissement ou de la reconnaissance de la filiation (ibidem, §§ 44-46). La Cour estime également que, s’agissant de questions mettant en jeu l’intérêt de l’enfant, l’orientation sexuelle des parents ne saurait entrer en ligne de compte. Elle considère en revanche que, si le principe même de l’établissement ou de la reconnaissance de la filiation ne laisse aux États qu’une marge d’appréciation limitée, cette marge est plus grande en ce qui concerne les moyens à mettre en œuvre à cette fin (ibidem, § 51).
68. La Cour note que jusqu’en mai 2025 (paragraphe 26 ci-dessus), le droit italien ne permettait pas l’inscription de la mère d’intention sur l’acte de naissance d’un enfant né en Italie à la suite d’une PMA effectuée à l’étranger.
Toutefois, la Cour constitutionnelle a récemment déclaré inconstitutionnelle l’interdiction faite à la mère d’intention de reconnaître comme sien l’enfant né en Italie d’une procréation médicalement assistée pratiquée à l’étranger.
69. La question qui se pose est celle de savoir si, dans les circonstances de la présente espèce, une telle impossibilité caractérise ou non un manquement de l’État défendeur à son obligation positive de garantir au requérant le respect effectif de sa vie privée et familiale.
70. La Cour rappelle que, dans des affaires concernant une allégation d’absence de reconnaissance juridique en droit interne d’un lien de filiation légalement établi à l’étranger entre des enfants nés par gestation pour autrui dans un pays étranger et leurs parents d’intention, (Va. Fj. et autres c. Islande, no 71552/17, 18 mai 2021, A.M. c. Norvège, no 30254/18, 24 mars 2022, H. c. Royaume Uni (déc.), no 32185/20, 31 mai 2022, et C.E. et autres c. France, précité, concernant la reconnaissance d’un lien de filiation entre un enfant et l’ancienne compagne de sa mère biologique), elle a adopté une approche globale qui tient compte non seulement de la situation à la date de la naissance de l’enfant ou même à celle de l’examen par elle du grief, mais aussi de l’existence d’une possibilité de reconnaissance juridique ultérieure. En outre, elle s’est prononcée in concreto sur les conséquences de l’ingérence pour le droit à la vie privée des requérants. Les États disposent d’une grande marge d’appréciation pour choisir le type de procédure à privilégier. À cet égard, la Cour a également admis que le refus de reconnaître le lien pouvait être compensé par la mise en place d’un mécanisme effectif, même de facto (C.E. et autres c. France, précité, §107), rendant possible in fine une telle reconnaissance. Une procédure d’adoption pouvait répondre à cette nécessité dès lors que ses conditions étaient adaptées et que ses modalités permettaient une décision rapide, de manière à éviter que l’enfant fût maintenu longtemps dans une incertitude juridique quant à ce lien (Avis consultatif no P16-2018-001, précité, § 54, et D c. France, no 11288/18, §§ 64 et 70, 16 juillet 2020). La Cour a précisé que cette conclusion valait aussi dans le cas d’un enfant issu des gamètes d’un père d’intention (D c. France, précité, § 64)
71. La Cour considère que ces conclusions s’appliquent également à un cas comme celui en l’espèce, où M.B. et C.D.O. ont eu recours à une technique de procréation médicalement assistée interdite dans l’État défendeur, mais légale dans un autre pays, et où la naissance du requérant est régie par la réglementation nationale de l’État défendeur (R.F. et autres c. Allemagne, no 46808/16, § 93, 12 novembre 2024). Sur ce point, elle note qu’en Italie, comme la Cour de cassation l’a souligné dans l’arrêt no 8029 de 2020, la PMA entre personnes de même sexe sans lien biologique est expressément exclue par la loi.
72. À cet égard, la Cour estime que les principes élaborés, d’une part, dans les affaires Me. (précitée) et La. c. France (no 65941/11, 26 juin 2014), d’autre part, dans l’Avis consultatif susmentionné et dans l’affaire D. c. France (précitée), et, enfin, dans l’affaire C.E. et autres c. France (précitée), trouvent à s’appliquer à la présente cause et, plus précisément, à la question du lien de filiation entre le requérant et la mère d’intention, avec laquelle il a développé depuis sa naissance un lien concret de nature filiale.
73. La Cour note qu’au moins à partir de 2014 (paragraphe 22 ci-dessus), plusieurs tribunaux ont commencé à admettre le recours par le parent d’intention à l’«adoption dans des cas particuliers», approche qui a été ensuite consacrée par la Cour de cassation (paragraphe 22 ci-dessus, et voir également C c. Italie, précité, § 22). Elle constate, à l’instar du Gouvernement, que l’évolution jurisprudentielle permettant la reconnaissance de l’adoption de la part du parent d’intention était antérieure à la naissance du requérant, et qu’aucune demande d’adoption ne semble avoir été introduite par M.B.
74. La Cour estime que dès le jugement du tribunal ayant ordonné la rectification de l’acte de naissance du requérant, M.B. avait la possibilité de former une demande d’adoption de l’intéressé sur le fondement de l’article 44 de la loi no 184 de 1983 et, ainsi, de mettre fin à l’incertitude juridique dans laquelle il se trouvait.
75. À cet égard, la Cour tient à rappeler que la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelles les dispositions relatives à l’ «adoption dans des cas particuliers» pour autant qu’elles excluaient que fût créé entre l’adopté et les parents de l’adoptant le même lien de parenté que celui qu’établissaient les autres types d’adoption (paragraphe 25 ci-dessus).
76. Elle relève également qu’en novembre 2022 (paragraphe 22 ci-dessus), les chambres réunies de la Cour de cassation, tout en rappelant que la transcription de l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA pratiquée à l’étranger était, pour autant qu’elle concernait le parent d’intention, interdite comme étant contraire à l’ordre public, a établi, en se référant aux arrêts D.B. et autres c. Suisse, nos 58817/15 et 58252/15, 22 novembre 2022, et D c. France, précité, que « l’adoption est le moyen par lequel il est possible de faire reconnaître juridiquement, en conférant à un tel enfant, à l’égard du parent d’adoption, le statut de fils ou de fille, le lien de fait [existant] entre l’enfant en question et la personne qui a partagé avec le parent biologique le projet de procréation et contribué à l’entretien de l’enfant dès sa naissance ».
77. Par conséquent, la Cour constate que le désir de voir reconnaître un lien entre le requérant et la mère d’intention ne se heurtait pas à une impossibilité générale et absolue (C c. Italie, précité, § 77), M.B. ayant à sa disposition la voie de l’adoption, qu’elle a choisi de ne pas utiliser. En effet, au moment où le tribunal a ordonné la rectification de l’acte de naissance du requérant, M.B. disposait déjà de la possibilité de demander à adopter l’intéressé, ce qui lui aurait évité de se trouver dans la situation d’incertitude juridique dont il se plaint. Or, la Cour a précisé, dans l’Avis consultatif susmentionné (§§ 52 et 54), qu’un mécanisme effectif permettant la reconnaissance d’un lien de filiation entre les enfants concernés et la mère d’intention doit exister au plus tard lorsque, selon l’appréciation des circonstances de chaque cas, le lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé. La Cour observe que cette évolution du droit positif, ouvrant la voie à «l’adoption dans des cas particuliers» pour le parent intentionnel (paragraphe 22 ci-dessus), est antérieure à la décision interne définitive et elle estime que, dans les circonstances de la cause, ce n’est pas imposer à l’enfant un fardeau excessif que d’attendre des M.B. et C.D.O qu’elles engagent une procédure d’adoption (D c. France précité, § 67).
La Cour note que le requérant se plaint de ce que la procédure d’adoption serait soumise à des conditions strictes, ainsi que notamment, de son caractère unilatéral à l’initiative exclusive du parent adoptif, (compte tenu de l’absence de pouvoir d’initiative de l’enfant). Elle admet que, dans d’autres circonstances, ce dernier élément pourrait engendrer une situation d’incertitude pour l’enfant. Or, au contraire, dans la présente espèce, la Cour constate que M.B. a manifesté dès la naissance du requérant son intention de le reconnaître et d’assumer pleinement son rôle de parent aux côtés de C.D.O.
78. S’il est vrai que la Cour constitutionnelle a considéré que l’«adoption dans des cas particuliers», même après les évolutions apportées récemment (paragraphes 25 et 75 ci-dessus), n’équivalait pas à un lien de filiation établi au moyen d’une transcription, la Cour rappelle que, selon sa propre jurisprudence, l’équivalence totale n’est pas exigée par l’article 8 (voir, pour l’adoption, Avis consultatif no P16-2018-001, précité, Va. Fj. et autres, no 71552/17, § 71, 18 mai 2021, concernant le placement familial, et C.E. et autres c. France, précité, §§ 99 et suivants pour des situations de facto).
79. La Cour convient avec le Gouvernement que l’absence d’établissement rapide d’un lien juridique entre l’enfant et sa mère d’intention résultant de l’annulation de la transcription est due au choix qu’ont fait M.B. et C.D.O. de ne pas utiliser la voie de l’«adoption dans des cas particuliers». Elles ont donc contribué à prolonger l’instabilité du statut juridique du requérant. À cet égard, la Cour note que le requérant se plaint de ce que à l’époque, l’ordre juridique italien n’autorisait pas l’enregistrement à l’état civil de la simple déclaration de volonté de la mère d’intention de reconnaître l’enfant. La Cour relève que, dans d’autres affaires, elle a jugé conformes à l’intérêt supérieur de l’enfant des refus similaires : en particulier, s’agissant de l’enregistrement de la qualité de parent d’intention d’un enfant né d’une GPA pratiquée à l’étranger, la Cour a estimé qu’on ne saurait déduire de l’intérêt supérieur de l’enfant que la reconnaissance du lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention que requiert le droit de l’enfant au respect de la vie privée, au sens l’article 8 de la Convention, impose aux États de procéder à la transcription de l’acte de naissance étranger en ce qu’il désigne la mère d’intention comme étant la mère légale. Selon les circonstances de chaque cause, d’autres modalités peuvent également servir convenablement cet intérêt supérieur, dont l’adoption, qui, s’agissant de la reconnaissance de ce lien, produit des effets de même nature que la transcription de l’acte de naissance étranger (D c. France, précité § 52).
80. Partant, il n’y a pas eu manquement de l’État défendeur à son obligation de garantir au requérant le respect effectif de sa vie privée.
81. Par ailleurs, la Cour note que le requérant n’a pas fait état d’obstacles réels et pratiques dans le déroulement de sa vie familiale au quotidien (C.E. précité § 95). Elle relève que l’intéressé vit avec C.D.O. et M.B. depuis sa naissance et qu’en conservant la filiation avec C.D.O. (voir, a contrario, C c. Italie, précité, § 67), sa reconnaissance sociale, son statut civil et sa nationalité étaient garantis. La jouissance effective par le requérant de sa vie familiale n’a donc pas été interrompue par une intervention de l’État défendeur.
82. Dès lors, et eu égard à la marge d’appréciation laissée à l’État défendeur, la Cour conclut ainsi que les difficultés pratiques que le requérant a pu rencontrer dans sa vie familiale à raison de l’annulation de la transcription de son acte de naissance pour autant qu’il désignait sa mère d’intention ne dépassaient pas les limites qu’impose le respect de l’article 8 de la Convention (Me., §§ 92-94, La., §§ 71-73, D.B. et autres c. Suisse, §§ 93 et 94, Va. Fj. et autres, §§ 71-75, et C.E. et autres c. France, §§ 93-97, tous précités, et K.K. et autres c. Danemark, no 25212/21, §§ 49-51, 6 décembre 2022).
83. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Déclare, à l’unanimité, la requête recevable;
Dit, par 6 voix contre 1, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention;
Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 octobre 2025, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Ivana Jelic
Présidente
Ilse Freiwirth
greffière
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée de la juge A. Adamska-Gallant.
OPINION DISSIDENTE DE LA JUGE ADAMSKA-GALLANT
(Traduction)
Je ne puis souscrire à l’opinion de la majorité selon laquelle il n’y a pas eu en l’espèce violation de l’article 8 de la Convention, qui garantit le droit au respect de la vie privée.
Si je souscris au constat de la majorité qui consiste à dire que l’instabilité de la situation dans laquelle se trouvait le requérant a résulté de la décision de sa mère de solliciter la transcription de son acte de naissance plutôt que d’engager une procédure d’adoption, j’estime cependant qu’il ne devrait pas s’agir là du facteur déterminant aux fins de l’appréciation des droits de l’intéressé au regard de la Convention. Fondamentalement, l’enfant, qui est l’objet direct de cette procédure, ne saurait être tenu pour responsable des choix procéduraux opérés par le parent.
L’annulation de l’acte de naissance du requérant après plus de cinq ans de procédure judiciaire soulève de sérieuses préoccupations quant au respect par l’État de ses obligations positives découlant de l’article 8. L’erreur commise par les autorités de l’État a eu pour effet de créer une longue période d’incertitude et d’instabilité juridique pour le requérant, dont l’identité et la vie privée se trouvaient en jeu.
L’obligation positive qui incombait à l’État de protéger la vie privée du requérant comprenait l’obligation de redresser rapidement l’erreur commise et la situation qui en a résulté. Eu égard au caractère sensible des droits en jeu, qui touchent au cœur même de l’identité du requérant, tout retard dans l’adoption de mesures correctives est inacceptable. Le fait que plus de cinq ans se soient écoulés avant que l’acte de naissance ne soit finalement annulé donne à penser que l’État n’a pas fait preuve de la diligence requise sur des questions touchant à l’identité et à la vie privée d’un enfant.
L’interesse del minore è stato, come un “mantra”, infinite volte richiamato ed esaltato in leggi, sentenze e dottrina, da poter essere considerato principio ineludibile e insuperabile nel diritto di famiglia. Anche la Carta dei diritti fondamentali dell’Unione europea (CDFUE), proclamata a Nizza il 7 dicembre 2000 e adottata a Strasburgo il 12 dicembre 2007, all’art. 24, comma 2, afferma che è “preminente” la considerazione dell’interesse del minore in tutti gli atti che lo riguardano.
Una recente pronuncia della Corte di Strasburgo (AFFAIRE X c. ITALIE, Strasburgo, 9 ottobre 2025) sembra ridurre, se non negare, il valore del principio, rafforzando le incertezze del diritto nazionale e allargando le lacune interpretative esistenti. La Corte, infatti, ha affermato l’insussistenza di violazioni del diritto alla vita privata e familiare, in relazione all’articolo 8 della Convenzione europea dei diritti dell’uomo, nel caso di una genitrice che, per effetto delle decisioni dello Stato italiano, aveva perso il legame con il proprio figlio intenzionale.
L’articolo 8 solennemente afferma che ogni persona ha diritto al rispetto della propria vita familiare. Esso vieta ogni ingiustificata ingerenza dell’autorità pubblica e funge da elemento distintivo tra modelli di democrazia e sistemi che prescindano da essa, attribuendo all’Autorità poteri di ingerenza, se non invasione, di un campo strettamente privato, nel quale vivono i sentimenti e le motivazioni esistenziali più profonde. Nel caso esaminato dalla Corte, lo Stato italiano aveva annullato la trascrizione dell’atto di nascita da cui risultava la genitorialità della madre intenzionale, così privando la stessa di rapporti con il nato, fatto che, dopo cinque anni, aveva determinato una situazione di perdita irreversibile.
Dal punto di vista giuridico, la questione riguarda lo status filiationis del nato da procreazione assistita e la discriminazione in danno delle coppie same sex, che non deve e non può tradursi in discriminazione nei confronti dei figli.
Gli interventi della giurisprudenza italiana, costituzionale e di legittimità, sul tema sono numerosi.
Sin dal 1998 (sentenza 347), la nostra Corte Costituzionale evidenziava «una situazione di carenza dell’attuale ordinamento, con implicazioni costituzionali», invitando il Legislatore a intervenire.
La legge 40 del 2004, non certamente ispirata da favor per la PMA, riteneva necessario definire lo status del minore nato grazie a tecniche di fecondazione assistita e riconosceva responsabilità nei confronti dei nati ai soggetti che avessero fatto ricorso alle tecniche, così indirettamente dando rilievo alla figura del genitore intenzionale, privo di legami biologici con il nato.
Dopo ulteriori interventi del Legislatore italiano (2012-2013), volti a porre al centro i diritti del minore e ad affermare la parità tra i figli, comunque nati, la Corte Costituzionale, nel 2014 (sentenza 162) rafforzava il concetto secondo cui la famiglia non è solo quella tradizionale, sostenendo che «il dato della provenienza genetica non costituisce un imprescindibile requisito della famiglia».
Ancora, nel 2020, la medesima Corte (sent. 127) commentando il quadro legislativo vigente, affermava che il consenso alla genitorialità e l’assunzione della conseguente responsabilità nell’ambito di una formazione sociale idonea ad accogliere il minore dimostrano la volontà di tutelare gli interessi del figlio, garantendo «il consolidamento in capo al figlio di una propria identità affettiva, relazionale, sociale, da cui deriva l’interesse a mantenere il legame genitoriale acquisito, anche eventualmente in contrasto con la verità biologica della procreazione».
Il tema, considerata la sua importanza e il rilievo che assume nell’ambito dei diritti fondamentali della persona, continuava a essere oggetto di interventi costituzionali. Nel 2021 (sentenza 32), la Corte affermava che la tutela del preminente interesse del minore comprende la garanzia del suo diritto all’identità affettiva, relazionale, sociale, fondato sulla stabilità dei rapporti familiari e di cura e richiamava le pronunce della CEDU secondo cui va ravvisata la violazione del diritto alla vita privata del minore nel mancato riconoscimento del legame di filiazione tra lo stesso, concepito all’estero ricorrendo alla specifica tecnica della surrogazione di maternità, e i genitori intenzionali, proprio in considerazione dell’incidenza del rapporto di filiazione sulla costruzione dell’identità personale.
La sentenza richiamata concludeva affermando che i nati a seguito di PMA eterologa praticata da due donne versano in una condizione deteriore rispetto a quella di tutti gli altri nati solo in ragione dell’orientamento sessuale delle persone che hanno posto in essere il progetto procreativo e che essi, destinati a restare incardinati nel rapporto con un solo genitore, proprio perché non riconoscibili dall’altra persona che ha costruito il progetto procreativo, vedono gravemente compromessa la tutela dei loro preminenti interessi.
Nel 2022, la sentenza numero 79, contrastando l’argomento secondo cui il rapporto di genitorialità intenzionale può essere salvaguardato ricorrendo all’istituto dell’adozione in casi particolari (tra l’altro non esperibile in tutti i casi) sosteneva che quest’ultima non assicura all’adottato i medesimi diritti giuridici e la stessa condizione psicologica della genitorialità non adottiva. (Nel testo: «Se l’istituto in esame offre una forma di tutela degli interessi del minore certo significativa, nondimeno esso non appare ancora «del tutto adeguato al metro dei principi costituzionali e sovranazionali»).
Il punto di arrivo, nel nostro ordinamento, del percorso descritto si identifica con la sentenza costituzionale n. 68 del 2025, nella cui parte motiva si legge: «L’interesse del minore consiste nel vedersi riconoscere lo stato di figlio di entrambe le figure – la madre biologica e la madre intenzionale – che abbiano assunto e condiviso l’impegno genitoriale attraverso il ricorso a tecniche di procreazione assistita. In conclusione, questa Corte ritiene che il mancato riconoscimento – effettuato secondo le modalità previste dall’ordinamento (artt. 250 e 254 cod. civ. e d.P.R. n. 396 del 2000) − al nato in Italia dello stato di figlio di entrambe le donne che, sulla base di un comune impegno genitoriale, abbiano fatto ricorso a tecniche di PMA praticate legittimamente all’estero costituisca violazione: dell’art. 2 Cost., per la lesione dell’identità personale del nato e del suo diritto a vedersi riconosciuto sin dalla nascita uno stato giuridico certo e stabile; dell’art. 3 Cost., per la irragionevolezza dell’attuale disciplina che non trova giustificazione in assenza di un controinteresse; dell’art. 30 Cost., perché lede i diritti del minore a vedersi riconosciuti, sin dalla nascita e nei confronti di entrambi i genitori, i diritti connessi alla responsabilità genitoriale e ai conseguenti obblighi nei confronti dei figli».
Alla luce del quadro richiamato, la decisione della Corte di Strasburgo suscita sconcerto, capovolgendo l’idea secondo cui le Istituzioni e la cultura giuridica italiana sarebbero meno efficaci di quelle europee nella tutela dei diritti delle persone.
Se, in punto di diritto, è auspicabile che la Grande Camera giunga a conclusioni diverse, riaffermando i principi di pari dignità e diritti tra i nati e di rilevanza della genitorialità intenzionale, dal punto di vista umano non si può ignorare la rilevanza dei valori in gioco e delle conseguenze soggettive, in termini esistenziali, della negazione di profondi sentimenti genitoriali e di profonda necessità, per il nato, del senso effettivo della propria identità.
di Bruno de Filippis
20-10-2025 06:05
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